Retour à Killybegs
Grasset, 2011
Trois ans après Mon traître, Sorj Chalandon revient sur la trahison de Tyrone Meehon, alias Denis Donaldson, activiste de l’IRA entre 1942 et 2005. L’angle d’approche, cette fois-ci, est l’histoire même de la trahison. Le grain de sable qui fait que tout bascule.
Retour à Killybegs m’a tellement subjuguée que sitôt le roman terminé, j’ai ouvert mon ordinateur pour me documenter sur le conflit irlandais. Question clarté, les synthèses que j’ai trouvées sur la toile sont aussi complexes que le conflit lui-même. C’est encore dans l’œuvre romanesque que j’en ai le plus appris !
Dans son style épuré où chaque mot compte, le journaliste romancier dépeint une souffrance aiguë, un amour infini pour une cause, un pays englué dans la violence et les relents de bière. Les terroristes sont mis à nu, confrontés à leurs doutes, leur pauvreté et leurs désastres personnels. La trahison n’en est qu’une pâle conséquence.
Chalandon l’idéaliste tente de comprendre un homme seul. Et nous livre un récit admirable.
Pour protéger notre manifestation, Tom et ses soldats avaient ouvert le feu sur une patrouille de police, dans Kashmir Road. Tom a été blessé. Il avait donné l’ordre de repli, mais les policiers les avaient poursuivis comme des chiens de meute. Dans Cawnpore Street, nos hommes ont profité des portes ouvertes. Un policier est entré de force dans une maison. Il s’appelait Patrick Murphy, c’était un catholique. Il habitait Falls Road et avait neuf enfants. Tout le monde le connaissait. Il a été abattu au milieu du salon.
– C’était un salaud de policier ! a hurlé Danny Finley.
Mais quand même, c’était un catholique.
– Un putain de traître ! a encore grogné Finley.
Nous avons hoché la tête, mais nos cœurs de Fianna étaient déroutés. L’IRA venait d’assassiner l’un des nôtres. Ou presque. Un chômeur catholique qui nourrissait sa famille comme il le pouvait.