Petit Piment
Seuil, 2015
Si vous aimez les contes, vous allez vous régaler. Quelle merveille que ce conte africain écrit par Alain Mabanckou ! J’ai envie de commencer ma chronique par un extrait.
« Jusqu’à cette année où la Révolution nous était tombée dessus comme une pluie que même nos féticheurs les plus glorifiés n’avaient vue venir, je croyais que l’orphelinat de Loango n’était pas une institution pour les enfants mineurs sans parents, ou maltraités, ou encore nés de familles en difficultés, mais plutôt une école pour surdoués. »
L’histoire se passe en République Populaire du Congo (aujourd’hui République du Congo), dans les années 1970, à l’époque de la révolution socialiste ; de nombreux coups d’état ont ébranlé le pays dans ces années-là, avec pour conséquence un appauvrissement global de la population et de nombreux abandons d’enfants. Bonaventure et Petit Piment, deux orphelins recueillis à l’orphelinat de Loango, sont les meilleurs amis du monde. Le premier est sage et tranquille, le deuxième plus violent et décidé à se battre pour obtenir une place de choix parmi les adolescents. C’est lui qui raconte cette histoire truculente où pauvreté, alcool et délinquance se mêlent aux imbroglios d’ethnies, au fétichisme et à l’humanisme qui éclatent à toutes les pages.
Un deuxième extrait :
« Tout le personnel de la cantine – quatre femmes et deux hommes – avait été viré, remplacé par des Bembés ou des Lari et autres ethnies du Sud qui n’avaient aucune expérience et servaient aux enfants les plats de leur région comme la viande de chat pour les Bembés, les chenilles pour les Lari ou encore du requin pour les Vili. »
Alain Mabanckou dresse un portrait haut en couleur de son pays d’origine. Il dépeint une pluralité ethnique telle au sein de la population, que toute recherche de cohésion semble impossible : comment unifier un pays lorsque les différences culturelles s’étendent jusqu’à l’assiette ? La jeunesse vit dans la rue, vole et survit au prix de bagarres et luttes de clans permanentes. Nombreux sont les indicateurs de déclenchement de guerres civiles réunis dans ce roman. Un moyen pour Alain Mabanckou d’alerter les communautés internationales sur les paramètres à suivre si l’on veut les empêcher ?
Sans les vieux sages qu’il a également intégrés dans son histoire, ce roman ne possèderait pas l’âme et la saveur de l’Afrique traditionnelle. Régalez-vous avec l’histoire du Vieux Koukouba gardien de la morgue. Ou encore avec celle de Ngampika le guérisseur. Les désordres extérieurs semblent ne pas avoir d’impact sur eux.
Petit Piment a un côté profondément africain. En même temps, le déroulement du récit suit une logique à l’occidentale. Influence de la modernisation du Congo ou des lieux de vie de Mabanckou depuis ses 22 ans ?
=> Quelques mots sur l’auteur Alain MABANCKOU
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