Millenium 4 – Ce qui ne me tue pas
Actes Sud / actes noirs, 2015
Ancien journaliste, biographe, romancier à succès, David Lagercrantz a écrit en 2015 un roman historique sur Alan Turing (Fall of Man in Wilmslow), le génie mathématique précurseur de l’informatique. Qui d’autre que lui aurait pu s’attaquer au monument Millenium et poursuivre l’œuvre de Stieg Larsson ?
Dans Millenium 4, on retrouve les héros Mickael Blomkvist et Lisbeth Salander dans une nouvelle enquête. La revue Millenium est au plus mal. Lâchée par un de ses financeurs, elle est reprise par le groupe Serner Media qui compte évincer Blonkvist jugé « has been ». Plus de scoop. Inconnu des jeunes. Il ne fait plus l’affaire. Dépassé, il ne l’est pourtant pas tant que ça : le journaliste est contacté par un informaticien qui souhaite lui soumettre une affaire. Frans Balder, ancien professeur d’université, est une référence en matière d’intelligence artificielle. Il s’est fait recruter par Solifon aux Etats-Unis pour poursuivre son travail de recherche. Après quelque temps, brusquement devenu paranoïaque, il s’est mis à protéger ses données à l’excès, n’a plus adressé la parole à personne, a démissionné de son poste et est rentré en Suède.
Mickael Blonkvist n’écoute que distraitement les propos du jeune informaticien jusqu’à ce qu’il évoque une hacqueuse embauchée par Balder pour savoir si son ordinateur a été piraté. Le journaliste reconnait Lisbeth Salander dans la description qu’en fait l’informaticien et se prend soudain d’intérêt pour l’histoire. Si Lisbeth est dans le coup, c’est qu’un scandale couve quelque part, avec un scoop à la clé.
David Lagercrantz a étonnamment bien réussi à respecter l’esprit des Millenium et la structuration du récit. Comme dans les précédents tomes, les scènes essentielles sont décrites par différents angles de vue, permettant au lecteur de les savourer plusieurs fois. Les héros principaux manquent en revanche un peu de saveur. Ils sont plus figés, moins développés que par Larsson. Presque secondaires à l’histoire. Par contre, les thèmes fondamentaux de l’intrigue comme le piratage informatique et la protection des données sont abordés avec beaucoup d’adresse. Lagercrantz ne s’est pas contenté d’un thriller politique. Son sujet, hautement d’actualité, est creusé, écrit pour faire réfléchir. Stieg Larsson aurait probablement aimé évoquer ces sujets.
Quelques lourdeurs existent néanmoins dans l’intrigue, sans doute liées au besoin que l’auteur a ressenti de résumer certains points des romans de Larsson qu’il a jugés indispensables à la compréhension de son roman. Mais est-il possible de lire Millenium 4 sans avoir lu les romans précédents ? Ce n’est pas sûr.
Par ailleurs, le hasard qui relie le journaliste et la hacqueuse dans la même intrigue est tiré par les cheveux. Mais on pardonne. Il fallait trouver une suite qui respecte les principes de Larsson, c’est ce à quoi Lagercrantz s’est attaché.
En résumé, j’ai passé un très bon moment de lecture avec Millenium 4, malgré mes fortes appréhensions de départ. L’univers de Larsson ne s’est pas écroulé. Si Mickael et Lisbeth manquent de finesse, ils restent attachants. Et l’intrigue mêlant mathématiques, services secrets et secrets industriels est passionnante.