Crans-Montana
JC Lattès, 2015
Que ce soit Patrick, Daniel, Serge, Roberto, Max, Édouard ou Charles, ils étaient tous adolescents dans les années 1960. Avec leurs parents issus d’un monde où l’opulence est le maître mot, ils passent la totalité de leurs vacances dans une station de ski huppée des Alpes suisses. Monica Sabolo évoque dans Crans-Montana l’attirance de ces jeunes gens pour les trois C, groupe siamois formé par Chris, Charlie et Claudia, trois jeunes filles de leur milieu et pourtant inapprochables pour ces adolescents romantiques.
Le livre est structuré autour de plusieurs points de vue. Il y a celui des garçons, pris en masse. Celui de Franco, le fils de l’épicier de Montana. Et celui des filles. A chaque changement de tableau, Monica Sabolo avance dans le temps. Dans la tragédie, aussi.
Car il ne faut pas croire que jeunesse dorée rime avec bonheur. En coulisse des amours adolescentes plus ou moins réussies, l’auteur laisse planer au-dessus des familles l’ombre de la shoah et décrit les mariages ratés, l’argent qui traverse la frontière incognito ou la drogue. A Crans-Montana, les BMW côtoient les Maserati, les Alfa Romeo, les Austin et les Mercedes. Le champagne coule à flot. Et les orgies auxquelles assistent les garçons, cachés derrière un buisson, ont un goût de détresse.
L’intrigue met beaucoup de pages à se mettre en place. On a du mal à comprendre comment des jeunes qui se retrouvent chaque week-end dans ce village de montagne, ne se connaissent que de vue. Ils sont pourtant du même milieu social. Leurs parents se côtoient. Ils circulent librement, fréquentent les mêmes lieux de détente. Comment expliquer un tel décalage ?
Grâce aux tableaux successifs, Monica Sabolo décrit les héros de Crans-Montana sous des angles de vue différents. C’est intéressant, mais cette construction manque un peu de naturel. Aux yeux des garçons, les filles sont inaccessibles, débridées. Or lorsqu’elles témoignent à leur tour, elles avouent de la timidité, voire de la rigidité dans leur comportement. Est-ce crédible ?
Seule Claudia reste énigmatique jusqu’à la dernière page. Peut-être bien parce que le seul point de vue qu’on attend vraiment et qui est absent de Crans-Montana, c’est le sien.
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