Gil
P.O.L., 2015
Gil se destine à une carrière de pianiste. Il en a les capacités et la volonté. Malgré les difficultés familiales, il réussit à entrer au Conservatoire dans la classe du meilleur professeur de piano du moment, Vlado Blasko. Mais la destinée de Gil est finalement de devenir chanteur lyrique. Il deviendra un des meilleurs ténors de son époque.
Dans un style attachant, Célia Houdart évoque dans Gil les écueils inévitables de tout artiste à l’aube, au sommet et au couchant de sa gloire. Le lecteur a le privilège d’assister à plusieurs leçons de piano « Voulez-vous reprendre ?… Heuééééé et chantez vos cinquièmes… qu’on entende les harmoniques… » ou de chant « Tenez bien le o… ya… ya… ya… ya… Vous avez plus d’espace derrière… pas seulement derrière le nez… ». Lorsqu’elle évoque la vie de Gil entre deux morceaux de musique, l’écriture est sèche, sans aucune fioriture. Sujet, verbe, complément. Les phrases s’allongent dès lors que l’art est en jeu : un style toujours épuré, mais on devine plus d’émotions derrière les mots.
Célia Houdart joue avec les durées, aussi. Soixante pages pour restituer trois jours de la vie de Gil. Moins d’une page pour décrire son année de préparation au concours d’entrée au conservatoire. Le temps ne compte pas.
Les artistes retrouveront dans Gil les doutes, les difficultés, les succès, les écueils et la fin de carrière inhérents au métier. En revanche, un lecteur peu sensible à la musique devra passer son chemin. Quant aux simples mélomanes, ils regretteront peut-être, comme moi, la nature des références artistiques que cite Célia Houdart : si les salles de spectacles qu’elle évoque dans son roman sont réelles, les chanteurs et les compositeurs portent tous des noms imaginaires. Ce choix m’a sortie de la lecture plus d’une fois. Il contribue à rendre le livre trop technique et destiné à satisfaire la curiosité d’un public averti. Comme j’aurais aimé voir cités quelques compositeurs connus, afin de pouvoir me raccrocher à ma culture générale pour suivre la carrière de Gil !