Sans lendemain

Jake HINKSON

Traduction Sophie ASLANIDES

Sans lendemain

Editions Gallmeister – 2018

 

Quand on est femme en 1947, salariée d’une société de production de films de série B à Hollywood et qu’on a pour mission de vendre les films dans les états du Sud des Etats-Unis, la vie n’est pas facile. Pourtant, Billie s’en sort plutôt bien. Elle aime son métier, elle a assez de bagou pour convaincre les cinémas les plus reculés du pays. Tout va donc bien, jusqu’au jour où elle doit se rendre à Stock’s Settlement dans l’Arkansas. Dans cette ville, le bien et le mal sont régis par un prédicateur tyrannique et aveugle. Elle ne le sait pas, bien sûr, à son arrivée en ville. Elle ne sait pas non plus, au moment où elle le rencontre pour la première fois, qu’elle n’aurait jamais dû croiser son chemin.

Deuxième roman de Jake Hinkson que je lis, Sans lendemain ne possède pas le cynisme mordant de L’enfer de Church Street (Gallmeister, 2015). Le roman est plus noir, plus dur. Pourtant le premier roman de l’auteur américain n’était déjà pas des plus légers.

En plus de celui de Billie, Sans lendemain dresse le portrait de deux autres femmes. La première, Amberly, est la femme du pasteur. Elle vit sous la domination de son époux et rêve de changer de vie. La deuxième, Lucy, est celle dont le destin prête le plus au cynisme. Sœur du chérif de Stock’s Settlement, dans la réalité c’est elle qui porte l’étoile et le pantalon. Etrange destin que le sien, dans une petite ville aux mœurs reculées, à une époque où même dans une ville plus ouverte, le rôle de la femme est attendu au foyer ! Chacune des trois femmes, à sa manière, est émancipée. A l’aide des portraits de Billie, Amberly et Lucy, Jake Hinkson signe un roman féministe.

L’univers de l’auteur américain est particulièrement noir. En son centre, encore et toujours, on retrouve un ecclésiastique. Hinkson n’envisage pas de prêche religieux sans fanatisme. Ayant grandi dans cet environnement-là, comme il l’explique volontiers à ses lecteurs, il ne conçoit pas la pratique religieuse autrement qu’avec des répercussions négatives. Il n’y a pas d’humanisme dans la religion façon Hinkson, que rigidité et cruauté. L’Arkansas est un état suffisamment arriéré pour autoriser la mise en scène d’un homme d’église de cet acabit dans un roman.

Même si j’ai été intéressée par l’intrigue, j’ai regretté un développement psychologique des personnages sans réelle profondeur. Lucy, dont l’humanité se dévoile peu à peu au fil de l’histoire, est fade en comparaison avec les choix qu’elle fait. Amberly, tel un papillon, se révèle à un moment crucial de l’intrigue, mais quelque chose sonne faux dans son émancipation. Billie, enfin, pourtant la plus expérimentée des trois femmes, m’a surprise par son inertie lorsque des choix cruciaux s’offrent à elle. Le roman est pourtant analytique, on suit l’intrigue à travers les yeux de Billie. Pourtant il manque un quelque chose dans l’histoire, qui ne peut pas être mis sur le compte de l’époque.

Il n’empêche que Jake Hinkson signe avec ce polar une belle œuvre. Il prouve ses vastes connaissances de l’histoire du cinéma américain. On comprend sans peine l’admiration des femmes de l’époque pour Gary Grant ou Ingrid Bergman, les grands acteurs que Billie ne rencontrera jamais, elle qui n’exerce ses talents que pour vendre des films minables, les seuls que peuvent s’offrir les villes reculées des petits états américains. L’Amérique hollywoodienne, impitoyable, sépare le cinéma et son public en deux mondes distincts. Seul l’avènement de la télévision donnera accès aux grands films, des années plus tard, à toutes les familles.

=> Quelques mots sur l’auteur Jake Hinkson

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