Qu’importe le chemin
L’Astre Bleu Editions – 2016
Dans ce témoignage bouleversant, Martine Magnin raconte un parcours de mère célibataire pour le moins chaotique. Elle a deux enfants ; son aîné, Alex, déclare une première crise d’épilepsie à l’âge de huit ans. Résistante à tous les traitements, la maladie s’empare du petit bonhomme et projette la famille dans un enfer dont elle ne verra jamais le fond. L’enfant se déscolarise et se marginalise. A dix-huit ans, Alex devient toxicomane et part vivre dans la rue. Bienvenue dans la vraie vie.
Comment faire face, lutter, ne pas couper les liens lorsque l’amour vacille devant la violence ?
Martine Magnin impulse un rythme sombre au récit ; les titres des chapitres sont d’ailleurs éloquents en soi : « Avis de turbulence, la terre s’effondre » ; « La terre devient folle. » Heureusement, le dernier intitulé, plus optimiste, permet au lecteur de respirer plus librement : « Les fruits de la terre ».
Je ne saurais dire à quel point ce récit de vie m’a interpellée. La première chose qui m’a frappée, c’est la démonstration que fait l’auteur de l’incapacité du corps médical à prendre en charge un patient dans sa globalité. Si Alex enfant avait été vu conjointement par des neurologues et des psychologues, peut-être aurait-il mieux supporté les traitements et refusé les stupéfiants. La prise en compte globale d’un patient est encore chose rare aujourd’hui mais il me semble qu’elle évolue dans le bon sens, dans de nombreuses disciplines.
Le deuxième sujet de fond qu’elle traite est, bien sûr, la détresse parentale. L’auteur cite de nombreux exemples de jeunes à la dérive, abandonnés des leurs ; leurs chances de s’en sortir sont alors bien faibles. D’après Martine Magnin, aucun accompagnement n’est proposé spontanément aux parents, lorsque le jeune met le doigt dans l’engrenage de l’addiction. C’est à eux d’aller chercher conseils et soutien. Pire, un toxicomane peut être refusé par une institution hospitalière lorsque les rechutes sont trop nombreuses. Voilà ce à quoi une famille doit faire face, en plus de son impuissance devant les dégradations psychiques et physiques d’un fils en perdition.
D’autres thèmes sont également évoqués : la nécessité du père et de la mère d’agir de concert, même s’ils vivent séparés ; l’impact professionnel d’un tel drame pour le couple parental ; les conséquences sur la fratrie, les proches de la famille.
La fureur contenue dans chacun des mots de Martine Magnin est terrible ; pourtant, ses propos sont d’une telle délicatesse, l’humour perce au bout de tant d’impasses, que j’en suis restée abasourdie, une fois le récit achevé.
Il faut lire Qu’importe le chemin comme un combat pour la vie. Ce témoignage aidera toutes les familles à dépasser les obstacles qui jaillissent aléatoirement sous leurs pas ; la vie en est pleine.
Sans bruit, sans qu’on s’en aperçoive, la bête tapie perfidement dans l’ombre était revenue une nouvelle fois, sournoisement et avidement, pour enjôler à nouveau Alexandre. Sans cœur et sans moralité, la machinerie honteuse des dealers avait repris son action de séduction et de corruption. L’argent se volatilisait, les appareils photos disparaissaient, les travaux photo prenaient du retard, le matériel d’agrandissement inutilisé fut remisé au fond d’un placard. Toujours naïfs et bêtement optimistes, on n’y vit que du feu, aucun signal d’alarme ne nous parvint, notre intuition de parents était débranchée.
=> Quelques mots sur l’auteur Martine Magnin
=> Un autre avis sur Qu’importe le chemin : Les lectures de Laëti