Passé parfait
Métailié – 2001
Nous découvrons pour la première fois dans Passé parfait les héros fétiches de Leonardo Padura. Parmi eux, Mario Conde bien sûr, ses cigarettes et ses bouteilles de rhum, lieutenant de police à La Havane ; son inséparable ami d’enfance Le Flaco, sportif longiligne devenu handicapé, gros et gras ; le sergent Manuel Palacios enfin, Manolo pour les intimes. Passé parfait est la première enquête de Mario Conde. Bien d’autres vont suivre au fil de la plume du grand écrivain cubain, jusqu’au dernier en date, Hérétiques, publié en France chez Métailié en 2014.
Dans Passé parfait, Mario Conde replonge malgré lui dans ses années lycée. C’est le major Antonio Rangel, alias Le Vieux, qui l’envoie fouiller dans le parfait passé de Rafael Morin Rodriguez, son ancien camarade de classe, disparu le jour de la Saint Sylvestre. Conde y va à contrecœur : il n’a jamais aimé Rafael Morin, il n’a jamais accepté non plus que Tamara l’épouse, que ce soit lui qui profite de « l’inaccessible Tamara » et de son « cul d’anthologie ». Il faut bien qu’il enquête, pourtant. Et les échos qu’il recueille le laissent perplexe : à la tête d’une grande entreprise d’état, cul et chemise avec le Ministre de l’Industrie, Rafael Morin n’a aucun motif apparent de disparaître. Que s’est-il passé ? Conde embarque Manolo dans une enquête dont ce dernier comprend vite que l’enjeu de son lieutenant ne réside pas dans la seule élucidation de la disparition de Rafael.
Dans Passé parfait comme dans L’homme qui aimait les chiens ou dans Hérétiques, Leonardo Padura mêle avec brio l’histoire de ses héros à celle de Cuba. En fond d’histoire, le système communiste et la corruption de certaines de ses élites ; l’art et la manière de fumer le cigare (en laissant deux centimètres de cendre au bout du cigare, sans la faire tomber !) ; ou encore la musique si chère à l’auteur, l’odeur des beuveries et celle de l’amour. Mario Conde a moins de trente-cinq ans dans ce premier roman qui le met en scène. Son regard acéré sur la civilisation cubaine à l’époque de l’enquête ou dans les flashbacks qui renvoient à ses années lycée donnent au lecteur une idée de l’existence que mène la jeunesse née après la prise de pouvoir de Fidel Castro sur l’île. Ce roman n’est pas contestataire. Il dresse en revanche un portrait peu complaisant du système politique ; il évoque les difficultés des pauvres sous le régime totalitaire ; il aborde les désillusions de la jeunesse sommée de plier aux exigences du parti. Le tout à travers des personnages hauts en couleurs et, pour une majorité d’entre eux, dégageant une profonde humanité.