Le parfum du yad

le parfum du yadPhilippe FAUCHE

Le parfum du yad

Il était un bouquin – 2015 – 122 pages

Le parfum du yad est le premier roman de Philippe FAUCHE, écrivain prometteur, lauréat en 2012 du prestigieux prix Agostini de Quais du Polar en 2012. Ne cherchez pas de photo de lui sur internet, il cultive le goût du mystère jusqu’à cacher son masque de chat derrière de grosses lunettes noires.

Le parfum du yad, c’est un plongeon dans le New York des années 1950, dans l’ombre de Schlomo Silberstein, détective privé qui prend un faux nom pour pouvoir trouver du travail. C’est la découverte des quartiers juifs, la lente reconstruction en temps de paix, un univers où la mafia et police travaillent de mèche. Philippe FAUCHE n’était pas encore né dans ces années-là, pourtant, garanti, son écriture est tellement imagée qu’on pourrait le croire raconter son passé : « Personnellement, j’ai toujours préféré les « bus-café » et les petits restaus italiens de Mulberry Street, avec leurs tables minuscules et leurs serviettes à carreaux, là où le patron vient discuter le bout de gras entre deux plats. »

Et le style, donc ? Grinçant, cynique, une pointe d’humour à chaque fin de phrase. Philippe FAUCHE est un véritable conteur. De ceux qui donnent de la lumière à leur texte, une troisième dimension toute en couleurs : « Sans pratiquement le regarder, Schultz lève à nouveau le cul de sa chaise et lui en balance une autre, cette fois de la gauche, histoire de ne pas faire de jaloux. Puis il se lève, ramasse lui-même binocles et galurin et va s’asseoir à côté du gars tétanisé dont la gueule commence à ressembler à une aubergine. »

Vous l’avez compris, ce polar est un régal. Un seul regret, peut-être : il est trop court…

=> Quelques mots sur l’auteur Philippe FAUCHE

=> Autre avis sur Le parfum du yad : Leeloo s’enlivre

Les chiens de l’aube

UnknownAnne-Catherine Blanc

Les Chiens de l’aube

D’un Noir si Bleu

 

La ligne éditoriale du petit éditeur bourguignon, D’un Noir si Bleu, est de « dire l’intranquillité […] tangible, réelle, incarnée ». C’est précisément cette atmosphère qu’Anne-Catherine Blanc décrit avec brio dans Les Chiens de l’aube, au travers du regard de Tres y Dos, rebaptisé Hip Hop par la Chiquitita, une des pensionnaires du bordel.

Hip Hop a soixante-dix ans passés. C’est le « merdologue » de la maison close située en périphérie d’une ville d’Amérique du Sud. Le « barbon à tout faire », si vous préférez. Celui qui récure, nettoie, répare, débouche, du matin jusqu’en début de soirée. Après, il doit disparaître de la circulation. Surtout ne plus être visible. Car ce vieillard « bancroche, tordu » et vêtu de rose fluo ferait désordre dans la grande salle, à l’heure de l’arrivée des clients.

Mais même reclus dans sa chambre sous les toits, Hip Hop n’a pas les yeux dans sa poche. Quand on est natif, comme lui, du bidonville et qu’on a réussi à y survivre, on observe et on se tait. Aussi, lorsque la Mamà recrute la Faena, jeune fille à peine pubère, qu’elle la badigeonne de pommades pour faire croire à une vierge authentique, Hip Hop comprend qu’elle court au-devant de sérieuses difficultés. Surtout que la Faena est destinée aux plaisirs d’un homme qu’un épais mystère entoure et qu’elle est sujette à des crises d’épilepsie.

Les Chiens de l’aube, c’est l’histoire des chiens errants qui se jettent sur les restes alimentaires à l’heure où ils ne craignent plus l’homme. C’est aussi l’histoire d’une dictature qui n’en porte pas le nom, où la prison guette la tenancière du bordel si la Faena déçoit le client influent. C’est encore l’histoire de la Chica, de la Mafalda, de Mara-la-Chola, de Marcia, de Soledad et des autres filles. Avec, en arrière-plan, le gorille el Palomito qui aboie ses ordres et cogne quand l’envie le prend. Et c’est surtout l’histoire de Hip Hop, rappelé à son passé bien malgré lui, un passé qu’il a tout fait pour enfouir définitivement, au point d’avoir juré ne plus jamais prononcer son vrai nom.

Anne-Catherine Blanc signe avec les Chiens de l’aube son deuxième roman. Son langage cru, impitoyable et tendre à la fois, tient en haleine tout le long des 341 pages. Le lecteur est irrésistiblement attiré par le personnage de Hip Hop qui a pourtant tout de l’antihéros. Les apartés du narrateur, ses commentaires sans complaisance et, tout au long du récit, les flashes-back et les rebondissements inattendus, lui font découvrir les bas-fonds d‘une ville d’Amérique du Sud. Avec, au passage, quelques techniques de survie en bidonville. Un pur moment de régal.

=> Quelques mots sur l’auteur Anne-Catherine BLANC