Le festin du lézard

le-festin-du-lezard-794430-250-400Florence HERRLEMANN

Le festin du lézard

Antigone 14 Editions – 2016

 

Imaginez une immense maison bourgeoise de trois étages. Toutes les portes sont fermées à clé. Isabelle erre dans les couloirs, se cache, observe. Elle passe ses journées à tenter de maîtriser la peur que lui inspire sa mère, objet de toute sa haine. Elle livre ses questionnements, ses doutes et ses douleurs à son seul ami, Léo.

Qui est Isabelle, cette jeune femme anéantie ? Qui est sa mère, indifférente et cruelle ? Qui est Léo, qui écoute sans jamais répondre, qui apaise sans jamais caresser ?

Le festin du lézard, premier roman de Florence Herrlemann, est un long monologue amer. Un vomissement continu de haine et de souffrance. Le lecteur ne peut qu’être irrité, dérangé même, par le mélange de violence et de statisme qui se dégage de cet ouvrage. L’écriture de Florence Herrlemann y est pour beaucoup. Dans un langage soutenu ponctué de violence, l’auteur distille au compte-gouttes les éléments nécessaires à la compréhension de l’intrigue. Quelques longueurs peut-être, mais le résultat est d’une grande beauté littéraire.

Ressentez-vous la menace, Léo ? Etant donné le bruit épouvantable que font ses pas dans l’escalier, je la sens décidée à venir nous rendre une petite visite. Je sais que je vais avoir peur, d’ailleurs j’ai peur. Je sais que je ne vais rien pouvoir faire. D’ailleurs, je ne suis plus en mesure de bouger.

Je mesure l’horreur qui nous attend.

=> Quelques mots sur l’auteur Florence Herrlemann

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Un cheval entre dans un bar

un cheval entre dans un barDavid GROSSMAN

Un cheval entre dans un bar

Seuil – 2015

 

Dovalé G. est un acteur comique. Sa spécialité : les one man show. Il se produit dans des bars miteux d’Israël. Ce soir-là, c’est son anniversaire et il joue dans une petite salle de Netanya, ville touristique à une trentaine de kilomètres de Tel Aviv. Il convie pour l’occasion un ancien ami d’enfance, le juge Avishal Lazar. Bien que l’homme de loi ne soit pas amateur de ce genre de spectacle, il finit par se laisser convaincre. Le show est une succession de plaisanteries de bas niveau, très prisées par le public. Mais curieusement, Dovalé quitte peu à peu son registre habituel et donne un tour personnel à la représentation. Le juge comprend que ce soir-là, autre chose va se jouer dans cette salle qu’une simple comédie de mauvais goût, et que l’acteur attend de lui un autre rôle que celui d’auditeur muet.

Un cheval entre dans un bar est un monologue de 228 pages, ponctué de commentaires du juge qui se positionne en observateur extérieur au spectacle. La construction du récit est fascinante. Sans autres éléments descriptifs que ceux fournis par le magistrat, le lecteur est projeté dans le spectacle vivant. Pour un peu, il se croirait à Netanya, aux côtés des militaires en permission, des motards et du reste des auditeurs, à écouter une analyse provocante mais percutante de la vie en Israël.

David Grossman a réussi le tour de force de traiter en profondeur divers sujets sociétaux, sans qu’aucun dialogue, aucune prise de distance avec son récit ne lui vienne en aide. Tout n’est que tourbillon frénétique, invective du public et introspection cynique. Incroyable.

Figure importante de la littérature israélienne de nos jours, partisan du camp de la paix, David Grossman est un écrivain à découvrir absolument, aux côtés de Yashaï Sarid ou Amos Oz.

=> Quelques mots sur l’auteur David Grossman

=> Autre avis sur Un cheval entre dans un bar : Leeloo s’enlivre