La vengeance des mères

Jim Fergus

Traducteur (Etats-Unis) : Jean-Luc Piningre

La vengeance des mères

Le Cherche Midi – 2016

 

La vengeance des mères ne se lit pas sans avoir lu le premier volet de cette épopée, Mille femmes blanches (Le Cherche Midi), paru seize ans avant. Il s’agit de la suite de l’histoire des femmes blanches échangées par le gouvernement américain contre autant de chevaux, dans un accord secret avec une tribu cheyenne. L’intrigue se situe en 1875, à l’aube de la bataille de Little Big Horn, sanglante défaite de la Septième cavalerie du Général Custer où celui-ci a perdu la vie.

Le livre est structuré sous forme de carnets et journaux de femmes blanches issues de ce troc, qui ont épousé la cause indienne. Tour à tour, elles racontent les évènements intimes et tribaux qu’elles ont traversé. Certaines d’entre elles vivent dans la tribu depuis un an. D’autres depuis quelques semaines seulement.

La construction du roman est intéressante. Les textes, d’une narratrice à l’autre, varient en fonction de leur connaissance du monde cheyenne et de leur niveau d’éducation. L’auteur s’est appliqué à adapter le style et le vocabulaire à la personnalité qui prend la plume. Je ne placerai pas les différents textes au même niveau de subtilité. Certains font même mal aux yeux, tellement la qualité stylistique est mauvaise. Il s’agit d’un choix manifeste de l’auteur, pour poser la classe sociale de chaque narratrice. Grossier, mais efficace.

L’histoire, annoncée dès les premières pages, est terrible. Ces femmes écartelées entre leur ancienne vie sans issue et la nouvelle qui les lie au sort des Indiens, forcent le respect. Le lecteur ne peut pas rester insensible au destin étrange de ces femmes, envoyées chez les Cheyennes par le même gouvernement qui choisira de les sacrifier quelques semaines plus tard.

Sauf que… La vengeance des mères manque d’âme. Jim Fergus n’a pas su jouer des mots avec suffisamment d’émotion. En tant que lectrice, je n’ai pas vibré avec ces femmes. Comme si l’auteur n’avait pas su se mettre à la place des endeuillées. La douleur est écrite, mais distante et peu crédible.

Il en est de même pour les parties descriptives du grand Ouest américain. Ernest Haycox, dans Les clairons dans l’après-midi (Actes Sud, 2013), a eu le don de décrire les mêmes paysages, les mêmes scènes de bataille à Little Big Horn d’une telle manière qu’il communique au lecteur les parfums, la chaleur ou encore l’aridité des lieux. Rien de tel chez Jim Fergus, autre faiblesse du roman à mes yeux.

Mais La vengeance des mères, plus encore que Mille femmes blanches, a le mérite de pointer du doigt les atrocités commises par l’homme blanc contre les Indiens et leurs conséquences sur le peuple natif, jusqu’à aujourd’hui. C’est la force du roman. Les rappels des atrocités commises par le passé ne sont jamais superflus.

=> Quelques mots sur l’auteur Jim Fergus

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Des clairons dans l’après-midi

des-clairons-dans-lapres-midiErnest HAYCOX

Traducteur : Jean ESCH

Des clairons dans l’après-midi

Actes Sud – 2013

Première parution aux USA : 1944

 

L’histoire est basée sur la bataille légendaire de Little Big Horn en 1876, terrible défaite de l’armée américaine contre les Sioux. Josephine Russel fait la connaissance du mystérieux Kerl Schafter. Elle rentre chez elle à Bismarck dans le Dakota ; il s’engage dans la 7° cavalerie commandée par le général Custer. A peine l’uniforme endossé, Schafter apprend que Garnett, son grand rival, est lieutenant dans la même cavalerie. Le passé ne peut décidément pas l’oublier.

Le seul western que j’avais lu jusqu’ici est Faillir être flingué, l’admirable roman de Céline Minard (Payot et Rivages, 2013) ; un western moderne, un pays en perpétuelle mouvance. Des clairons dans l’après-midi renvoie à notre enfance, aux combats des Cowboys contre les Indiens, aux films avec John Wayne, Henry Fonda ou Gary Cooper. Ernest Haycox maîtrise son sujet. Terres arides, saloons, chemin de fer, peuple sioux et ambiances de caserne, tous les ingrédients d’un bon western sont rassemblés. L’amour y a autant de place que la conquête de l’ouest.

Lire ou regarder un film, ce n’est ni la même démarche, ni le même plaisir. Je n’ai pas vu le film tiré du roman (mauvais, d’après Bertrand Tavernier qui a écrit la postface du livre), mais comme tout le monde, j’ai visionné de nombreux westerns dans ma vie. En tournant les pages de Des clairons dans l’après-midi, je me suis sentie dans les coulisses d’un tournage. Si l’esprit western au cinéma (même filmé en studio) met souvent l’accent sur des paysages féériques, des immensités désertiques par exemple, il est limité dans la restitution des scènes de vie et se contente de l’essentiel. Chez Haycox, la richesse des dialogues m’a frappée dès les premières lignes. Pour lui, l’essentiel ne se limite pas à la lutte du héros contre le blizzard ou à la bataille sauvage que se livrent Américains et Sioux, scènes d’une puissance inouïe dans le roman. Il évoque avec la même précision millimétrée la vie de la garnison (soldats et officiers) ou les conditions de vie des femmes de militaires. Il approfondit la psychologie des personnages, principaux et secondaires.

Les images sont d’une telle finesse qu’on pourrait croire à de réelles photographies. Haycox a les dons d’un scénariste. Ça ne surprendra personne si l’on se rappelle que dix de ses œuvres ont été adaptées au cinéma pour produire douze films, réalisés et joués par d’aussi talentueux professionnels que Cecil B. DeMille, John Ford, John Wayne, James Stewart ou encore Claire Trevor.

=> Quelques mots sur l’auteur Ernest Haycox