Le chagrin

Lionel Duroy

Le chagrin

Editions Julliard – 2010

Lionel Duroy ou William Dunoyer de Pranassac, parce qu’ici l’autobiographie écrase le roman, Lionel Duroy abat ses cartes, crache sa colère et sa douleur déjà libérées dans Priez pour nous (Bernard Barrault, 1990), livre aux conséquences inouïes pour ce quatrième enfant d’une fratrie de dix.

Autobiographie, donc (j’ai écrit « autobriographie », je trouve la coquille assez jolie pour la noter ici). Lionel Duroy raconte la rencontre de ses parents issus d’une noblesse désargentée vichyste, leur mariage, la naissance des enfants et les conflits inexorables qui suivent – elle, espérant jusqu’au bout mener une vie de grande dame et lui, petit malfrat, voleur et bonimenteur de bas étage. William Dunoyer de Pranassac naît en Tunisie française d’où la famille emménage à Neuilly sur Seine pour s’en faire expulser quelques années plus tard et trouver refuge dans un bidonville de Rueil Malmaison. La mère ne s’en remettra pas. La famille non plus. Lionel Duroy puisera dans la petitesse de ses parents la matière pour nombre de ses romans.

William est en admiration devant son père, au point de soutenir avec lui des colonels de l’OAS après le putsch de 1961. Lorsque Lionel pointe le bout de sa conscience dans l’adolescent qui s’émancipe, c’est le début de la douleur extériorisée – jusque-là, il ne souffre ouvertement que du mépris de son frère aîné. Adulte et amoureux, il prend le contrepied de la destinée familiale, devient journaliste à Libération puis l’Evènement du Jeudi et écrit pour tenter d’exister. Sa cinquantaine de livres déjà écrits (poursuivez s’il vous plait, monsieur Duroy) prouvent que le pari était gagnant. Il s’aliène toute sa famille, perd sa femme, se noie dans les dépressions successives, mais existe.

Etonnamment, c’est sa mère qui attise sa haine et non son père pour lequel il conserve son admiration. Les mensonges impudiques de ce voyou facho lepéniste sont suffisamment efficaces pour que le fils, journaliste engagé de gauche, les pardonne. Quelle étrange chose que la famille…

Le chagrin est une plaie ouverte, purulente. C’est sans doute le moment de le lire, pour comprendre ce que cachent les opinions extrémistes, la haine et le racisme vulgaire.

=> Quelques mots sur l’auteur Lionel Duroy

Le festin du lézard

le-festin-du-lezard-794430-250-400Florence HERRLEMANN

Le festin du lézard

Antigone 14 Editions – 2016

 

Imaginez une immense maison bourgeoise de trois étages. Toutes les portes sont fermées à clé. Isabelle erre dans les couloirs, se cache, observe. Elle passe ses journées à tenter de maîtriser la peur que lui inspire sa mère, objet de toute sa haine. Elle livre ses questionnements, ses doutes et ses douleurs à son seul ami, Léo.

Qui est Isabelle, cette jeune femme anéantie ? Qui est sa mère, indifférente et cruelle ? Qui est Léo, qui écoute sans jamais répondre, qui apaise sans jamais caresser ?

Le festin du lézard, premier roman de Florence Herrlemann, est un long monologue amer. Un vomissement continu de haine et de souffrance. Le lecteur ne peut qu’être irrité, dérangé même, par le mélange de violence et de statisme qui se dégage de cet ouvrage. L’écriture de Florence Herrlemann y est pour beaucoup. Dans un langage soutenu ponctué de violence, l’auteur distille au compte-gouttes les éléments nécessaires à la compréhension de l’intrigue. Quelques longueurs peut-être, mais le résultat est d’une grande beauté littéraire.

Ressentez-vous la menace, Léo ? Etant donné le bruit épouvantable que font ses pas dans l’escalier, je la sens décidée à venir nous rendre une petite visite. Je sais que je vais avoir peur, d’ailleurs j’ai peur. Je sais que je ne vais rien pouvoir faire. D’ailleurs, je ne suis plus en mesure de bouger.

Je mesure l’horreur qui nous attend.

=> Quelques mots sur l’auteur Florence Herrlemann