Les enfants de la Volga

Gouzel Iakhina

Traductrice : Maud Mabillard

Les enfants de la Volga

Les éditions Noir sur Blanc – 2021

Qu’il est difficile de chroniquer, en ce moment, de la littérature russe ! Mais quelle erreur ce serait de ne pas lire Les Enfants de la Volga de Gouzel Iakhina, tandis que le gouvernement russe s’efforce de réécrire l’histoire, de l’embellir, d’effacer les traces de la honte ! La littérature n’est-elle pas une des meilleures préventions contre l’oubli ?

Part peu connue de l’histoire germano-soviétique, une communauté d’Allemands s’est installée au XVIII° siècle, sous le règne de Catherine II, le long de la Volga. Peu d’entre ses descendants est retournée en Allemagne. Vers 1920, ils sont plus de cinq cent mille à vivre dans des villages purement germaniques. Staline les annihilera tous. Famine, mise à mort, déportation, leurs habitants ne survivront pas aux années de terreur.

Gouzel Iakhina place son histoire dans un de ces villages, Gnadenthal. Ses citoyens ne parlent que l’allemand. Leur maître d’école, Jacob Bach, enseigne Goethe et Schiller aux enfants, préférentiellement à toute autre chose. Tout y a sa place, tout semble immuable, dans ce petit village. Un jour, Bach est appelé sur l’autre rive de la Volga pour donner des cours particuliers à une jeune fille qui n’a jamais quitté la ferme paternelle. Sa vie bascule alors dans un conte, que Grimm lui-même aurait pu écrire.

Gouzel Iakhina a choisi de raconter la collectivisation des terres, les kolkhoses, la propagande, les grandes famines et les purges staliniennes à travers le prisme de l’innocence. Jacob Bach découvre le socialisme à l’occasion de ses incursions dans Gnadenthal, sans jamais le comprendre. Il en observe les effets sur les eaux gelées du fleuve. Conteur compulsif, il baptise les années qui passent en fonction de ses observations. Année de la Folie, année des Veaux Non nés, année de la Faim, année des Enfants Morts… Il contribue au système, même, sans le savoir, lorsque le chef local du parti lui commande des contes dont il va s’inspirer pour éduquer la population.

Tout est grâcieux dans ce livre, de l’idylle naissante entre Bach et Klara jusqu’à la description de la violente réalité historique. Même la mort en couche de la jeune femme est nimbée d’une poésie folle. Le charme ne se rompt jamais. Aussi fantasque et magique que la vie hors du temps de Bach, la Volga charrie les drames successifs au rythme immuable des saisons. Le lecteur, bien qu’ensorcelé comme Bach par la beauté du paysage, n’est jamais dupe. Gouzel Iakhina lui donne d’ailleurs un petit coup de pouce (le seul point regrettable du livre), avec quelques chapitres centrés sur Staline et son délire de la persécution.

Les enfants de la Volga est le deuxième livre de Gouzel Iakhina publié en français. Les répressions staliniennes sont au cœur de ses écrits. Son premier roman, Zouleïka ouvre les yeux, a été multiprimé.

=> Quelques mots sur l’autrice, Gouzel Iakhina

Mémoires de porc-épic

mémoires de porc-épicAlain MABANCKOU

Mémoires de porc-épic

Editions du Seuil – 2006

 

Si vous ne connaissez pas la vie des porc-épic, c’est le moment de combler vos lacunes. Alain Mabanckou vous fera découvrir une facette peu ordinaire de ces mammifères.

Le porc-épic de Kibandi n’est pas n’importe qui. Il s’agit de son double nuisible. Vous ne savez pas ce qu’est un double nuisible ? Alors de deux choses l’une. Soit vous êtes un blanc et les blancs sont connus pour ne pas prendre au sérieux la vie africaine, soit vous êtes un noir qui a vécu en Europe et là c’est encore pire, car vous avez désappris la vie africaine. Posez donc les livres de blancs et retrouvez l’authenticité de l’Afrique à travers ce conte congolais raconté par un porc-épic à son ami le baobab.

Il est impossible de poser ce livre une fois commencé. D’une part parce qu’Alain Mabanckou a fait la grève des majuscules et des points dans son manuscrit, pour mieux traduire la logorrhée du porc-épic. D’autre part parce que le récit est vivant, haletant, humoristique, d’une grande fraîcheur enfin, surprenante si l’on se rappelle qu’il évoque les meurtres perpétrés par Kibandi de son vivant. Une petite centaine, rien que ça.

Alain Mabanckou a signé avec ce roman un livre d’une grande sensibilité. On en oublie d’être cartésien. La magie devient une évidence. Notre logique de blanc vole en éclat, et c’est avec délice qu’on accepte cette nouvelle règle de jeu.

Mémoires de porc-épic a été couronné du Prix Renaudot 2006.

quand le jour se levait [amédée] s’asseyait au pied d’un arbre, lisait des livres épais écrits en tout petit, pour la plupart des romans, oh tu n’as à coup sûr jamais vu un roman, personne n’est venu peut-être en lire un à ton pied, tu n’auras rien perdu, mon cher Baobab, mais pour simplifier les choses et ne pas te polluer l’esprit, je dirai que les romans sont des livres que les hommes écrivent dans le but de raconter des choses qui ne sont pas vraies, ils prétendent que ça vient de leur imagination, il y en a parmi ces romanciers qui vendraient leur mère ou leur père pour me voler mon destin de porc-épic, ils s’en inspireraient, écriraient une histoire dans laquelle je n’aurais pas toujours le meilleur rôle et passerais pour un anomal aux mauvaises mœurs

=> Quelques mots sur l’auteur Alain Mabanckou