Le poète de Gaza

Yishaï Sarid

Le poète de Gaza

Traductrice : Laurence Sendrowicz

Actes Sud, 2011

 

Un agent secret israélien spécialisé dans la découverte des projets d’attentat et l’interrogatoire un peu musclé de Palestiniens soupçonnés d’activisme terroriste se voit confier la mission de lier connaissance avec une auteure israélienne, Dafna. Il doit se faire passer pour un écrivain débutant qui souhaite se faire aider dans l’aboutissement de son projet littéraire. Ce n’est qu’une façade, bien entendu. L’objectif réel est de faire sortir Hani de la bande de Gaza, un grand poète atteint d’un cancer en phase terminale, le faire hospitaliser à Jerusalem et à travers lui, retrouver son fils, organisateur d’attentats kamikazes.

Tout comme dans Une proie trop facile (Actes Sud, 2015), l’histoire que raconte Yishaï Sarid n’est qu’un prétexte pour décrire la complexité de la société israélienne ; son armée dans Une proie trop facile, les rouages des services secrets dans Le poète de Gaza. Il se désespère de l’impossibilité à aboutir à un accord de paix entre deux peuples assoiffés de sang – sang de civils pour l’un, sang de terroriste, terreau de haine, pour l’autre. L’impasse semble totale, le désespoir immense, au point que malgré les idéaux qu’ils servent, bon nombre d’agents de services secrets finissent par péter un câble et commettre l’irréparable.

L’agent secret est le narrateur. Son nom n’est jamais prononcé ; c’est un monde souterrain que décrit Yishaï Sarid dans ce roman. La lourde implication personnelle qu’oblige cette charge est décrite en détails. Un agent des services secrets est partout : sur le terrain, dans les sous-sols sombres où ont lieu les interrogatoires, auprès des indics. Partout donc, sauf chez lui où il ne passe que sporadiquement. L’homme est un soldat. Son engagement professionnel conduit à l’inévitable destruction de sa vie privée. Personne ne peut en être surpris ; la sécurité des citoyens israéliens passe par le sacrifice de certains d’entre eux.

L’auteur pénètre les pensées intimes de l’agent secret. L’exécutant, pour être parfait, doit fonctionner en mode robot. Mais l’homme émerge peu à peu derrière le soldat ; l’homme est un robot pensant. Lorsqu’il sent ses certitudes s’ébrécher, l’acte de folie le guette. Les services secrets israéliens n’ont pas les moyens de gérer les états émotionnels. C’est une des failles su système, parfaitement décrite dans ce roman.

Yishaï Sarid, aborde également la troublante complexité palestinienne dans Le poète de Gaza. L’angle d’approche est plus simpliste, renvoie probablement l’auteur au monde intellectuel qu’il côtoie. Le vieil homme lettré du roman est un sage. Palestinien ou pas, c’est avec le détachement que permettent l’âge et l’annonce de la mort prochaine qu’il évoque sa vie passée. La méditation et la philosophie sont ses maîtres mots. Le terrorisme ne le regarde pas. Vu sous cet angle, derrière la lutte sans merci entre Israéliens et Palestiniens se profile une forme d’acharnement des forts contre les faibles. Il y a de quoi déstabiliser les plus endoctrinés !

Yishaï Sarid ne propose pas de solution. Après avoir milité en vain pour la paix, il n’en a peut-être plus à proposer. Lire ce roman, même si depuis son écriture le Moyen-Orient a sombré dans un chaos plus mondial et plus extrémiste encore, c’est mieux comprendre l’impasse dans laquelle se trouvent ces peuples obligés de vivre ensemble malgré eux.

=> Quelques mots sur l’auteur Yishaï Sarid

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