Traduction de l’anglais : Anouk NEUHOFF
La vie rêvée de Virginia Fly
Première édition anglaise – 1972
Quai Voltaire – 2017
Virginia Fly est anglaise, du Sussex, trente-et-un ans et vierge. Sa vie qu’elle partage entre ses élèves et ses parents est peut-être monotone mais ne croyez pas qu’elle n’ait pas autant, voire plus de fantasmes que n’importe qui. Non ! Elle n’a peut-être pas encore connu l’amour mais elle en rêve.
Voilà un roman d’une grande fraîcheur ! De l’humour anglais délicieux. Le langage est truculent, dès les premières lignes :
Virginia Fly se faisait violer, en esprit, en moyenne deux fois par semaine. Ces assauts imaginaires survenaient n’importe quand dans la journée : si elle n’y était jamais préparée, elle ne s’en étonnait jamais non plus. Ils s’évanouissaient aussi vite qu’ils surgissaient, sans laisser sur elle aucune trace néfaste. Elle avait cette vision merveilleuse d’une main d’homme lui caressant le corps, lui causant le long de l’échine dorsale le genre de frisson qui incitait ses doigts à fermer machinalement les trois boutons de son cardigan, et l’instant d’après elle s’entendait déclarer, avec un calme admirable :
– Miranda, je crois que c’est ton tour d’effacer le tableau.
Ne pensez pas avoir affaire à un roman érotique, vous n’y êtes pas du tout. De l’érotisme, il n’y a que la carcasse. Vous découvrirez plutôt une comparaison extra-lucide et grinçante de la sexualité des hommes (simple bouton on/off) et des femmes (réglages longs et complexes) dans un milieu middle-class anglais d’un soporifique assommant. Clichés ? Ce pourrait être à craindre, mais l’humour transforme l’ennui en une saveur subtile et délicieuse. Vous avez tous rencontré une Mrs Fly, la mère envahissante de Virginia ; vous la croisez peut-être tous les jours. Croquez son portrait, grossissez ses traits et riez-en. C’est la technique d’Angela Huth pour accrocher ses lecteurs et ça marche. Helen Fielding n’a rien inventé lorsque, vingt ans après Angela Huth, elle a doté Bridget Jones, fille unique, d’une mère possessive et d’un père dominé. Son héroïne a une vie sociale plus stimulante que Virginia Fly mais la solitude des deux héroïnes a une certaine analogie. Et dans les deux romans, la société anglaise est décortiquée à la pince à épiler.
On ne badine pas avec l’humour. Derrière les mots grinçants, on devine la solitude, la peur et le sentiment d’échec. Sans dévoiler la fin de l’histoire, je ne peux m’empêcher de regretter tout de même que la conclusion du roman ne soit pas plus percutante. Comme quoi, l’humour pallie à beaucoup de manques mais ne résout pas tout.
La vie rêvée de Virginia Fly est un roman intemporel, incontestablement british. Le thé, les scones à la crème et le brandy restent les piliers de l’hospitalité. Toute tradition n’est pas perdue.
Merci à l’opération Masse critique de Babelio et à l’éditeur, Quai Voltaire, qui m’ont permis de lire ce roman.
=> Quelques mots sur l’auteur Angela Huth
Une superbe chronique qui donne envie de croquer à pleine dents dans le roman ! Ce n’est pas réellement mon genre de lecture mais pourquoi pas 😉 merci pour la découverte.
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Oh, merci 🙂 quel beau retour ! Je viens de jeter un coup d’œil sur ton blog, tu as des goûts très éclectiques !
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Tiens, je n’en avais jamais entendu parler … so British !
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Il n’a pas dû avoir un grand succès. Lu via Babelio pour ma part. Plutôt contente de cette découverte, mais pas la plus grande lecture du siècle quand même 😀
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