Le diable se cache dans les détails

Bernard Massoubre

Le diable se cache dans les détails

L’Astre Bleu Editions – 2021

Un avocat assassiné dans les rues de Lyon, une enquête de police, les ingrédients indispensables à la construction d’un polar bien du genre sont réunis. Moi qui ne lis que peu de polars, je me suis rapidement monté un film dans ma tête de caboche. On ne me la fera pas à moi, je ne tomberai pas dans le panneau, je ne serai pas manipulée et résisterai à l’envie de chercher l’assassin parmi les personnages secondaires les plus arrogants ou les plus ternes de l’histoire.  Bernard Massoudre, s’il lit mes mots, rira bien de ma propre arrogance, j’en suis certaine. Car Le diable se cache dans les détails n’a pas grand-chose d’un polar traditionnel. Je ne l’aurais pas classé dans cette catégorie, d’ailleurs, mais plutôt dans les romans de société. Il y a meurtre, il y a enquête, mais il y a surtout description d’un milieu social, de la dépravation institutionnalisée de toute un pan de la société. Le roman est d’autant plus intéressant pour moi que l’histoire se passe à Lyon. Dans ma ville, donc.

La postface du livre en explique l’origine et justifie sa profondeur. Faut-il l’évoquer ici, ou laisser le lecteur comprendre seul son essence autobiographique ? J’opte pour le silence pour respecter la construction du roman, même si l’envie d’évoquer le sujet de fond me démange. Bernard Massoudre assume l’objectif expiatoire de son œuvre, en assume aussi la part de fiction. Si le témoignage est présent derrière les mots, l’histoire est imaginaire. C’est cette double facette qui rend l’histoire intéressante.

Ceux qui lisent mes chroniques connaissent ma franchise. Le style du Diable se cache dans les détails pourrait être plus abouti. Mais il faut comprendre les raisons de l’écriture et la pertinence du sujet, aussi tentons de dépasser ce défaut. Derrière les maladresses d’écriture se devine l’âme de Bernard Massoudre, un projet dicté par l’urgence, une écriture nécessaire et libératrice. Il a fallu bien du courage à l’auteur pour écrire, croyez-moi. Ce livre, c’est au-delà du coup de gueule. C’est un knock-out. Le lecteur suit une enquête qui le conduit dans les bas-fonds de la notabilité lyonnaise, celle qui parait si froide aux Lyonnais venus d’ailleurs. Nous autres ne serons jamais introduits dans le milieu et finalement, c’est tant mieux. Vous l’aurez deviné, ce roman est une formidable dénonciation d’un monde à la dérive. Bernard Massoudre ne fait de cadeau à personne. Chefs d’entreprise, avocats, grenouilles de bénitier, la belle façade bien-pensante est grattée impitoyablement. Le masque se lézarde. Les beaux quartiers d’Ainay et les villas des bords de Saône sont décortiqués au peigne fin. La fiction au service de la sociologie. Le diable se cache dans les détails, c’est une visite guidée d’un Lyon que je ne connaissais pas et, qu’après cette lecture, je n’ai aucune envie de connaître.

=> Quelques mots sur l’auteur Bernard Massoubre

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Lyon

Emmanuelle Cart-Tanneur et Sophie Mary

Lyon

Jacques Flament Editions – 2017

 

 

Amis lyonnais, amis touristes qui avez l’intention de venir nous faire une petite visite, ce guide est absolument fait pour vous !

Emmanuelle Cart-Tanneur s’est associée à la photographe Sophie Mary (blog Lumières de l’ombre) pour créer ce petit bijou. Nous la connaissions déjà pour ses nouvelles couronnées de nombreux prix littéraires. Elle est de retour pour nous offrir sa vision d’un Lyon insolite, celui que les guides officiels ne mettent pas en valeur. Savez-vous, par exemple, qu’une gargouille de la Primatiale Saint-Jean de Lyon est à l’effigie d’Ahmed, le chef de chantier qui a supervisé les travaux de rénovation ? Qu’en plein quartier de la Duchère dans le 9° arrondissement, l’Aire de la Compas-raison construite par Serge Boyer évoque autant l’art mégalithique que précolombien qu’arabe, juif et j’en passe ?

Soixante œuvres récentes ou anciennes sont présentées et racontées avec beaucoup de finesse. Soixante photos d’Emmanuelle Cart-Tanneur ou de Sophie Mary, accompagnées d’un texte de l’écrivain toujours vivant, alerte, avec une pointe d’humour qui donne envie d’aller y voir de plus près. Emmanuelle Cart-Tanneur est tour à tour camion tordu, jardin secret, église abandonnée, ruelle… Les œuvres se racontent elles-mêmes. Le style, loin d’être académique comme dans la plupart des guides, est frais et léger. Chaque texte se lit comme une micro-nouvelle.

Le tout sur du papier glacé de bonne qualité.

C’est agréable à lire et ça donne envie de visiter Lyon.

Un beau cadeau à offrir à vos familles et amis de passage dans la capitale des Gaules.

 

Extrait de « Le sang de l’anarchie »

Au 22 rue de la République (en plein cœur du quartier piéton de Lyon), un pavé rouge rompt la monotonie des pavés gris du trottoir. D’où vient-il ?

Je pourrais te faire croire que j’ai tout vu, tout entendu : je suis placé à l’endroit même où l’assassinat a eu lieu. Mais je ne suis qu’un pavé symbolique, posé en 1994 en souvenir de l’évènement.

Je me garderai bien de prendre parti – après tout, mon cœur est de pierre. Mais je me souviens…

=> Quelques mots sur l’auteur Emmanuelle Cart-Tanneur

=> Quelques mots sur la photographe Sophie Mary ainsi que l’article qu’elle a consacré à cette aventure sur son blog  Lumières de l’ombre 

Se retenir aux brindilles

se retenir aux brindillesSébastien FRITSCH

Se retenir aux brindilles

Editions fin mars début avril – 2012

 

Ariane a 38 ans. Fuyant son mari, ses deux petits enfants sous le bras, elle retourne sur les lieux de son enfance dans l’espoir d’y retrouver au moins un habitant témoin de son passé. Seule Marthe, une vieille dame qui a perdu la mémoire, vit encore dans le lotissement. Ariane s’installe chez elle pour quelques jours. Ce répit lui permet de souffler, de faire le point, mais la renvoie aussi à ses peurs d’enfant lorsqu’elle jouait dans le château abandonné avec Tristan et Matthias, ses deux grands compagnons de l’époque.

Bien ancré dans le présent, Se retenir aux brindilles est pourtant chargé de flashbacks dont l’importance est dévoilée au fur et à mesure du roman. Le suspens dure tout le long du roman, au point d’essouffler le lecteur. Car si l’auteur le prépare dès les premières lignes aux évènements marquants de la vie d’Ariane, au milieu du roman, le lecteur n’en est toujours qu’à l’effet d’annonce. Heureusement, l’écriture, dans un beau style chargé de mélancolie, rattrape un peu l’ennui généré par cette progression trop lente.

Peurs d’enfant, peurs d’adultes ? Le roman interroge sur les jeux de l’enfance et leur impact sur la personnalité du futur adulte. Les histoires qui font peur ne font pas non plus de bien. Parents, soyez vigilants.

=> Quelques mots sur l’auteur, Sébastien FRITSCH