Le cas singulier de Benjamin T.

Catherine Rolland

Le cas singulier de Benjamin T.

Editions Les Escales – 2018

 

Quels symptômes associez-vous à l’épilepsie ? Les crises ? Les risques d’asphyxie ? Les visions d’un passé vieux de soixante-dix ans ? Ah non, pas ce dernier ? Bizarre. Ça veut dire que vous n’avez pas rencontré Benjamin T. Ni en 2014, ni en 1944.

Car Benjamin oscille entre deux mondes, bien malgré lui, après avoir été intégré dans un protocole pour tester un médicament révolutionnaire. Il ne contrôle pas ses passages d’une vie à l’autre, au point que j’ai moi-même été de nombreuses fois prise littéralement par surprise lorsque Catherine Rolland opère ce basculement par le simple jeu des mots.

Pauvre Benjamin, mari, père et salarié malheureux en 2014, résistant courageux en 1944. Je me suis étonnée de mon empathie pour le héros, pour ses péripéties contemporaines que je ne souhaiterais pas à mon pire ennemi, pour ses aventures pendant la Deuxième Guerre mondiale aussi. Au fur et à mesure de ma lecture, je me suis prise de passion pour sa vie passée. Ce n’est qu’un mirage, certes, mais tout de même, on veut savoir : le groupe de résistants réussira-t-il à atteindre la Suisse à travers les cols alpins enneigés ? Qu’adviendra-t-il de Benjamin et de son entourage, à l’une ou l’autre des deux époques ?

Deux histoires en une, donc. Le roman démarre lentement. Un peu trop lentement à mon goût et loin des promesses de la quatrième de couverture. J’ai même craint de m’ennuyer au début de ma lecture. Mais rassurez-vous, dès les premières visions de Benjamin, l’histoire s’emballe. Humour et beauté du texte sont au rendez-vous. Et là, il est difficile de lâcher le livre.

Catherine Rolland sait décrire. J’avais déjà remarqué son incroyable qualité narratrice dans Ceux d’en haut (Les passionnés de bouquins, 2014) et La solitude du pianiste (Les passionnés de bouquins, 2016). Milieu hippique, techniques musicales ou traversée périlleuse à travers les Alpes en plein hiver, l’auteure franco-suisse sait traiter ses sujets avec une telle aisance que le lecteur imagine qu’elle y a passé toute sa vie. Pourtant, elle n’a rien d’une éleveuse de chevaux -compositrice – nonagénaire !

Le cas singulier de Benjamin T., a également une portée philosophique que n’ont pas les autres romans que je viens de citer. Tout comme Voltaire, l’auteure s’interroge sur l’unicité de la destinée. Est-il possible d’influer sur les évènements, de changer l’ordre des choses ? Zadig ne naviguait pas entre deux mondes ; il n’est pas sûr que Benjamin le connaisse d’ailleurs, mais ils se posent tous les deux les mêmes questions. Vous ne connaitrez, comme de juste, le point de vue de l’auteure qu’en lisant ce beau roman !

Bravo à Catherine Rolland pour ce cinquième ouvrage, par lequel elle confirme son talent littéraire.

=> Quelques mots sur l’auteur Catherine Rolland

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