Popcorn Melody

Popcorn_MelodyEmilie de TURCKHEIM

Popcorn Melody

Editions Héloïse d’Ormesson, 2015

 

Emilie de Turckheim embarque le lecteur dans l’Ouest américain, dans l’Arizona ou ailleurs, en tout cas dans une région désertique, poussiéreuse, terre d’Indiens, où l’appellation régionale locale, le Pierrier, prend tout son sens. Une usine de fabrication de popcorns a investi les lieux et fait vivre l’essentiel des habitants des alentours. La vie tourne au ralenti, immuable. La superette du coin, baptisée Le Bonheur, ne vend que des articles essentiels et surtout pas de popcorns. Petite résistance de son propriétaire, Tom, dont le visage poupin de ses neuf ans est figé à jamais sur l’emballage des friandises.

Ainsi va la vie. Tom est probablement le seul natif du village à être allé à l’université, grâce à ses parents qui se sont saignés pour lui. Chaque passage de client lui inspire des haïkus qu’il écrit sur les pages des annuaires téléphoniques. Il accumule les bottins gribouillés dans le magasin.

Il y a beaucoup à dire sur ce roman étrange. J’ai été attirée par la quatrième de couverture qui condamne la société de consommation. Comme elle est à peine évoquée à la fin du premier tiers du livre, j’ai été vite déstabilisée. Les sujets du roman sont multiples, en fait, et l’auteur prend du coup le risque de ne rien traiter à fond.

Un livre sur la société de consommation ? Oui, mais même Tom, le seul qui n’est pas aspiré par cette spirale infernale mais dont la déchéance est annoncée, s’en sort de manière miraculeuse ; on peut douter de la morale de l’histoire, du coup.

Un roman sur l’écriture ? Tom écrit des haïkus. Il y a des adeptes de la poésie japonaise, je n’y suis malheureusement pas sensible. Beaux ou pas, les vers apportent un éclat de brillance au roman. Mais que dire de la digression sur le monde des agents littéraires ? Pour ma part, je l’ai trouvée inutile.

Une dénonciation de l’exploitation des plus pauvres par les plus riches ? Si oui, quelle est la morale ? Le sujet est tellement noyé dans les autres thématiques qu’il en ressort banalisé.

Finalement, un seul thème émerge, réaliste et poétique, mais pour en profiter pleinement, il m’a fallu d’abord faire le deuil de tous les autres : c’est celui de l’immuabilité du désert et de ses habitants. Emilie de Turckheim a su créer un langage pauvre en vocabulaire mais riche en couleurs. Elle a inventé une multitude de mots pour évoquer le désert, la poussière, les cailloux et la sécheresse, lot permanent des habitants. Dialogues familiers, presque grossiers, encadrés par une narration au style plus soutenu, lent comme le soleil qui développe sa course chaque jour au-dessus des habitants du Pierrier. Le temps s’est arrêté.

C’est le premier roman que je lis de cette jeune auteure prometteuse. Déjà couronnée par plusieurs prix littéraires (Prix littéraire de la vocation 2009, Prix Roger Nimier 2014), son talent narrateur est incontestable. Mais d’autres auteurs ont récemment décrit le Far West d’une plume qui m’a plus convaincue, à commencer par Céline Minard dans Faillir être flingué (Rivages, 2013). Cette autre Amérique, loin du rêve américain, attire toujours autant le lecteur avide d’authenticité.

=> Quelques mots sur l’auteur Emilie de Turckheim

4 réflexions sur “Popcorn Melody

  1. L’arbre aux haricots et les cochons au paradis… Des merveilles ! Dans Popcorn Melody l’Arizona n’est pas cité explicitement mais on peut en effet l’imaginer. J’ai relu deux fois les deux romans de B.Kingsolver, je crois bien. Magnifiques. Je les relirai aussi, histoire d’avoir le plaisir d’en faire la chronique !

    J’aime

Laisser un commentaire